(Traduction de la version originale anglaise)
Le 19 janvier 2018
British Columbia Securities Commission
Alberta Securities Commission
Financial and Consumer Affairs Authority of Saskatchewan
Commission des valeurs mobilières du Manitoba
Commission des valeurs mobilières de l’Ontario
Autorité des marchés financiers
Commission des services financiers et des services aux consommateurs (Nouveau-Brunswick)
Superintendent of Securities, Île-du-Prince-Édouard
Nova Scotia Securities Commission
Superintendent of Securities, Terre-Neuve-et-Labrador
Surintendant des valeurs mobilières, Yukon
Surintendant des valeurs mobilières, Territoires du Nord-Ouest
Surintendant des valeurs mobilières, Nunavut
Me Anne-Marie Beaudoin, Secrétaire
Autorité des marchés financiers
800, rue du Square Victoria, 22e étage
C.P. 246, tour de la Bourse
Montréal (Québec) H4Z 1G3
Téléc. : 514-864-6381
Courriel : [email protected]
Le secrétaire
Commission des valeurs mobilières de l’Ontario
20 Queen Street West
22e étage
Toronto, Ontario M5H 3S8
Téléc. : 416-593-2318
Courriel : [email protected]
Objet : Document de consultation 52-404 des ACVM – Approche en matière d’indépendance des administrateurs et membres du comité d’audit (le « document de consultation »)
Nous sommes heureux de soumettre le présent mémoire concernant la pertinence de l’approche mise de l’avant actuellement par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM ») en matière d’indépendance des administrateurs et des membres du comité d’audit. Notre conseil d’administration prend très au sérieux les questions de gouvernance, et Power Corporation du Canada (« Power ») et ses filiales participent activement au débat public concernant la gouvernance au Canada.
Résumé
Nous estimons que l’approche réglementaire actuelle en matière d’indépendance des administrateurs est beaucoup trop restrictive et rigide et qu’elle ne convient donc pas à tous les émetteurs du marché canadien. Les dispositions faisant en sorte que les administrateurs qui ont un lien avec la société mère (c’est-à-dire l’actionnaire de contrôle) d’un émetteur sont réputés être non indépendants ne constituent pas une réponse adéquate aux problèmes de gouvernance éventuels qu’elles visent à résoudre. Étant trop vastes, les dispositions relatives à la détermination de l’indépendance incluent les administrateurs qui n’ont aucune relation directe ou indirecte avec l’émetteur qui pourrait raisonnablement être perçue par le conseil d’administration de l’émetteur comme nuisant à l’indépendance du jugement de l’administrateur. Ce régime a certes l’avantage d’être prévisible dans son application, mais ses avantages sont de loin éclipsés par ses répercussions négatives, particulièrement pour les sociétés contrôlées par des familles. Comme nous l’expliquons plus en détail dans les présentes, nous recommandons de remplacer le régime actuel relatif à l’indépendance des administrateurs par un régime plus flexible, en vertu duquel le conseil détermine l’indépendance des administrateurs au cas par cas sans se reporter à des dispositions contraignantes.
Le groupe Power
Power (TSX : POW) est une société internationale de gestion et de portefeuille diversifiée qui détient des participations dans des sociétés de services financiers, d’énergie renouvelable, de communications et d’autres secteurs au Canada, aux États-Unis, en Europe et en Asie. Nous sommes d’importants actionnaires à long terme de sociétés, y compris des filiales canadiennes cotées en bourse, telles que la Corporation Financière Power (TSX : PWF)1, Great-West Lifeco Inc. (TSX : GWO)2 et la Société financière IGM Inc. (TSX : IGM)3. Power a des actionnaires de contrôle depuis ses débuts en 1925 et son actionnaire de contrôle actuel, la Fiducie familiale résiduaire Desmarais, détient directement ou indirectement un total d’environ 59,2 % des droits de vote et de 20,9 % du capital participant de Power.
Depuis des décennies, nous avons pour pratique de jouer un rôle actif dans la surveillance de nos filiales. Nous avons intérêt à ce que nos propres actionnaires, voire à ce que toutes nos parties prenantes, prospèrent à long terme, tout comme les membres du public qui ont coinvesti avec nous dans nos filiales cotées en bourse. Nous travaillons avec la direction de nos filiales à l’atteinte de cet objectif, en collaboration avec les administrateurs et les dirigeants de Power et de la Corporation Financière Power siégeant au conseil et aux comités du conseil de ces filiales. Ces administrateurs n’ont aucune relation avec les filiales, à part d’en être administrateurs et actionnaires, et le travail à temps plein d’un certain nombre de nos dirigeants consiste à concentrer leur attention et à être bien renseignés sur les affaires des filiales.
Nous croyons que cette approche fonctionne bien, car les membres de la haute direction de Power et de la Corporation Financière Power sont bien placés pour représenter les intérêts de tous les actionnaires lorsqu’ils interagissent avec la direction au sein du conseil. Nous estimons que c’est en raison de cette approche que de nombreux actionnaires investissent dans Power et dans nos filiales cotées en bourse.
Détermination de l’indépendance
Aux termes du Règlement 52-110 sur le comité d’audit (le « Règlement 52-110 »), un administrateur est « indépendant » d’un émetteur s’il n’a pas de relation directe ou indirecte avec l’émetteur qui pourrait raisonnablement être perçue par le conseil d’administration de l’émetteur comme nuisant à l’indépendance du jugement de l’administrateur. Nous sommes d’accord avec cette façon d’évaluer l’indépendance des administrateurs.
Cependant, le Règlement 52-110 stipule par ailleurs qu’un administrateur est réputé avoir une relation directe ou indirecte avec un émetteur (et donc ne pas être indépendant) si, entre autres choses, l’administrateur est, ou a été au cours des trois dernières années, un membre de la haute direction ou un salarié de l’actionnaire de contrôle de l’émetteur. Nous sommes en désaccord avec cette approche.
Comme il est souligné dans le document de consultation, la définition de l’indépendance constitue un élément central du régime de gouvernance canadien. Premièrement, le Règlement 52-110 exige que le comité d’audit des émetteurs non émergents soit composé uniquement d’administrateurs indépendants. Deuxièmement, la définition de l’indépendance se rapporte également à l’Instruction générale 58-201, qui donne des indications selon lesquelles les comités des candidatures et de la rémunération devraient être entièrement composés d’administrateurs indépendants, et au régime fondé sur le principe « se conformer ou expliquer » établi aux termes de l’Annexe 1 du Règlement 58-101 sur l’information concernant les pratiques en matière de gouvernance (l’« Annexe 58-101A1 »).
Nous estimons que la détermination de l’indépendance des administrateurs devrait reposer sur des faits afin de protéger les intérêts de tous les actionnaires en fonction des relations réelles avec la direction, tout en tenant compte du contexte, offrant ainsi suffisamment de latitude aux différentes sociétés pour qu’elles puissent adapter la gouvernance à leur situation particulière. Comme il est expliqué ci après, le régime actuellement utilisé pour déterminer l’indépendance des administrateurs est beaucoup trop restrictif et rigide.
Incidence de la définition actuelle de l’indépendance
Les dispositions contraignantes obligatoires donnent lieu à un régime unique qui ne concorde pas avec l’approche reposant sur des principes historiquement adoptée par les ACVM en matière de gouvernance et qui n’offre pas la flexibilité nécessaire pour répondre aux besoins d’un marché des émetteurs canadiens diversifié et de plus en plus innovateur. En imposant une définition rigide et étroite de l’indépendance, conçue pour les sociétés ouvertes ayant un grand nombre d’actionnaires, les ACVM pénalisent indirectement les sociétés et les groupes de sociétés comme le nôtre, qui sont contrôlés par des familles et qui choisissent d’adapter leur structure de gouvernance à leur situation particulière.
Au sein du groupe Power, notre modèle de gouvernance, qui a été élaboré sur de nombreuses décennies, prévoit l’inclusion de dirigeants (et d’administrateurs) de la société mère au conseil des filiales. Nous estimons que la participation de l’actionnaire de contrôle est avantageuse pour l’ensemble des parties prenantes. L’actionnaire de contrôle est en mesure de soutenir la direction dans l’élaboration de stratégies à long terme et de lui fournir des administrateurs qui sont expérimentés et qui connaissent bien les activités de la filiale. Agir à titre d’administrateur d’une filiale s’inscrit dans le prolongement du rôle de dirigeant de la société mère actionnaire et aide la personne à s’acquitter de ses obligations en vertu du droit des sociétés, car elle concentre son attention et est bien renseignée sur les affaires de la filiale. Parallèlement, les intérêts de la société mère sont bien desservis par l’expérience et l’expertise en ce qui concerne les affaires des sociétés du groupe qu’apportent à la société mère les dirigeants siégeant également au conseil de ses filiales. La présence de nos dirigeants et de nos administrateurs au conseil de nos filiales aide notre conseil à gérer adéquatement notre portefeuille, enrichit la discussion et améliore la qualité de la gouvernance, tant au sein de notre conseil qu’au sein du conseil de nos filiales.
De plus, nous estimons qu’il est pertinent que les dirigeants de la société mère siègent aux comités clés de la filiale (c’est-à-dire aux comités d’audit, des candidatures et de la rémunération) afin d’apporter la connaissance et la perspective de l’actionnaire de contrôle relativement aux questions qui relèvent de ces comités. Toutefois, le régime actuel établi par le Règlement 52-110 nous empêche indûment de faire siéger un membre de la haute direction de Power (p. ex. notre chef des services financiers) aux comités d’audit de nos filiales ouvertes. Nous estimons que, compte tenu de notre structure d’entreprise, notre chef des services financiers offrirait une perspective importante à valeur ajoutée et une surveillance indépendante relativement aux questions financières au sein de nos filiales ouvertes, ce qui profiterait à tous les actionnaires.
De même, Power et ses filiales ouvertes se révèlent inévitablement « non conformes » aux termes du régime fondé sur le principe « se conformer ou expliquer » établi par l’Annexe 58-101A1 en raison de la présence de dirigeants de la société mère (réputés non indépendants) aux comités des candidatures et de la rémunération de Great-West Lifeco Inc. et de la Société financière IGM Inc. Ceci donne une impression erronée et trompeuse au marché puisque nos dirigeants siégeant au conseil et aux comités clés de nos filiales cotées en bourse sont réputés être non indépendants alors qu’ils n’ont en fait aucune relation directe ou indirecte avec l’émetteur qui pourrait raisonnablement être perçue par le conseil d’administration de l’émetteur comme nuisant à l’indépendance du jugement de l’administrateur.
Le régime strict des ACVM relativement à l’indépendance des administrateurs qui siègent au conseil et aux comités clés a été adopté par un certain nombre de parties prenantes en matière de gouvernance, y compris les classements relatifs à la gouvernance et les agences de conseil en vote, et a mené à des perceptions négatives, à des pointages plus faibles en matière de gouvernance et à des recommandations de vote défavorables pour Power et les sociétés de son groupe. Nous trouvons cette façon de faire problématique étant donné que nous tentons d’atteindre les normes les plus élevées en matière de gouvernance.
Valeur des entreprises contrôlées par des familles et nécessité d’établir un cadre de gouvernance plus souple
Il n’existe pas de modèle unique en matière de bonne gouvernance, et les structures et les pratiques les plus pertinentes varient d’un émetteur à l’autre. Il importe donc que les ACVM ne soient pas exagérément normatives dans la définition de l’indépendance, mais facilitent plutôt la capacité des émetteurs ouverts à élaborer leurs structures de gouvernance selon ce qu’ils jugent adéquat en fonction de leur situation spécifique et à adapter ces structures en fonction de l’évolution de leurs activités au fil du temps. Cette approche offre également aux investisseurs un plus grand choix d’investissements et de modèles de gouvernance.
Comme l’ont relevé divers intervenants en matière de gouvernance, dont le Clarkson Centre for Board Effectiveness (le « CCBE »), la réalité des sociétés contrôlées par des familles diffère grandement de celle des sociétés ayant un grand nombre d’actionnaires. En conséquence, comme elles ne s’inscrivent pas dans un cadre de gouvernance unique, particulièrement en ce qui concerne l’indépendance des administrateurs, [traduction] « elles ont tendance à être écartées des analyses portant sur les sociétés les mieux gouvernées ». Toutefois, comme le souligne le CCBE, [traduction] « les sociétés familiales semblent souvent davantage en mesure de créer de la valeur pour leurs actionnaires lorsqu’elles choisissent de ne pas adhérer aux meilleures pratiques usuelles en matière de structure du capital et d’indépendance4. »
Les entreprises contrôlées par des familles sont la pierre angulaire de l’économie canadienne et on estime qu’environ 90 % des sociétés au Canada seraient des sociétés familiales qui généreraient 60 % du PIB canadien5. Les entreprises familiales sont par ailleurs très bien représentées parmi les sociétés de plus grande envergure. En effet, 10 des 25 plus grands employeurs canadiens sont des entreprises contrôlées par des familles6.
Le contrôle familial comporte des avantages uniques et intrinsèques, dont le plus important est la capacité de prioriser la rentabilité durable à long terme. Un actionnaire de contrôle solide sur le plan financier et axé sur les résultats à long terme concorde avec les intérêts des autres actionnaires à cet égard et peut avoir une incidence positive importante sur les rendements à long terme d’une société, ce qui profite à tous les actionnaires et à l’organisation dans son ensemble. Comme le relève Robert Monks, fondateur d’Institutional Shareholder Services (« ISS »), [traduction] « au Canada, il existe plusieurs exemples de propriété responsable : les Weston, Thompson, Desmarais et Irving me viennent facilement en tête. […] les dirigeants dont la marque personnelle est en jeu, comme c’est le cas des propriétaires, se comportent différemment. Les propriétaires responsables doivent rendre des comptes. Ils sont vulnérables aux conséquences des actions et des résultats de leur société. Ils ont donc les choses à cœur : ils prennent des décisions d’entreprise en tenant compte à la fois de leur entreprise et de leur conscience. […] Il vaut mieux avoir des propriétaires dévoués à leur entreprise, qui sont capables de soutenir une vision à long terme et d’appliquer leurs valeurs personnelles à l’entreprise7. »
Selon une étude publiée par la Banque Nationale du Canada, « au cours des 10 dernières années, elles [les grandes sociétés canadiennes cotées en bourse et contrôlées par des familles] ont dépassé l’indice composé S&P/TSX de 120 %. » Elles ont enregistré un rendement total pour les actionnaires de 192,0 % (11,3 % par année) par rapport à 71,7 % (5,6 % par année)8. Parmi les facteurs qui contribuent à de meilleures performances des sociétés familiales, l’étude cite les hauts dirigeants qui restent en place plus longtemps, les marques et une réputation de calibre supérieur, la capacité de prendre des décisions plus rapidement et la loyauté du personnel. Dans le même ordre d’idées, le CCBE a conclu que [traduction] « les émetteurs canadiens contrôlés par des familles ont obtenu de meilleurs résultats que leurs pairs au cours des 15 dernières années, ce qui a grandement profité aux actionnaires minoritaires », et note au passage que l’écart de rendement [traduction] « suggère que les émetteurs contrôlés par des familles tirent parti de leur vision à plus long terme et peut-être même également de leur structure de gouvernance unique4 ». De plus, un article de McKinsey & Company aborde le même sujet, soulignant que [traduction] « le rendement [des entreprises familiales] se démarque quant à la productivité des actifs et à la valeur de la marque : la rotation de l’actif, soit le ratio des revenus par rapport au capital investi, correspond environ au double de celui des autres sociétés, et les entreprises familiales représentent 80 % de la valeur de la marque lorsqu’il est question des marques les plus prisées dans le monde9 ».
Par ailleurs, les sociétés contrôlées par des familles ont intensifié leur présence parmi les entreprises mondiales et cette tendance devrait se poursuivre au cours de la prochaine décennie. En 2014, les sociétés contrôlées par des familles représentaient 19 % des sociétés du palmarès Global 500 établi par Fortune (qui recense les plus grandes sociétés du monde en fonction de leur chiffre d’affaires), ce qui représente une hausse de 15 % par rapport à 2005. Leur représentation au sein du palmarès devrait atteindre 40 % d’ici 202510.
À la lumière de ce qui précède, nous croyons fermement que l’approche actuelle en matière d’indépendance des administrateurs et des membres de comité devrait être révisée pour permettre aux sociétés contrôlées par des familles d’adopter des cadres de gouvernance adéquatement adaptés qui sont fondés sur des circonstances de fait et concordent avec les intérêts des actionnaires dans le contexte particulier de ces émetteurs et protègent les intérêts des actionnaires.
Conflits d’intérêts et protection des actionnaires minoritaires
En ce qui concerne la protection des intérêts des actionnaires minoritaires, le fait de considérer les personnes ayant une relation avec un actionnaire de contrôle comme des administrateurs non indépendants de l’émetteur contrôlé inclut indûment un trop grand nombre de personnes, ce qui a des incidences défavorables inutiles, comme il est expliqué ci-dessus.
La législation canadienne en valeurs mobilières prévoit déjà un solide régime de protection des porteurs minoritaires dans le Règlement 61-101 sur les mesures de protection des porteurs minoritaires lors d’opérations particulières (le « Règlement 61-101 »). Ce régime impose un processus d’approbation distinct de certaines opérations avec une personne apparentée et de certains regroupements d’entreprises par l’entremise d’un vote des actionnaires minoritaires non intéressés, d’évaluations officielles et, entre autres choses, des obligations d’information accrues et détaillées dans les circulaires de sollicitation de procurations relatives aux assemblées de ces actionnaires et dans toute déclaration de changement important connexe. Par ailleurs, le Règlement 61-101 prévoit la participation d’un comité spécial composé d’administrateurs indépendants dans des circonstances précises et l’Instruction générale 61-101 recommande de former un tel comité spécial dans le cadre de toutes les opérations donnant lieu à un conflit d’intérêts important, tandis que l’Avis multilatéral 61-302 du personnel des ACVM – Examen du personnel et commentaires sur le Règlement 61-101 sur les mesures de protection des porteurs minoritaires lors d’opérations particulières fournit des indications exhaustives concernant les comités spéciaux et leur mandat.
De plus, il importe d’avoir à l’esprit l’obligation juridique selon laquelle tout administrateur doit en tout temps agir au mieux des intérêts de l’organisation dans son ensemble, y compris ses actionnaires de façon générale, et non au mieux des intérêts d’un actionnaire ou d’un groupe d’actionnaires en particulier. Cette obligation n’est aucunement réduite dans le cas où un administrateur a une relation avec un actionnaire de contrôle, notamment si celui-ci est dirigeant de cet actionnaire. L’administrateur ayant une telle relation doit déterminer ce qu’il considère être au mieux des intérêts de la société contrôlée, que ces intérêts soient contraires ou non à l’intérêt véritable d’un actionnaire en particulier.
Dans la plupart des cas, l’intérêt véritable d’une société contrôlée concorde avec les intérêts de l’actionnaire de contrôle, et ces intérêts coïncident également avec les intérêts des actionnaires minoritaires, à savoir la création et la préservation de valeur à long terme pour les actionnaires.
Les enjeux éventuels en matière de gouvernance (dont il est parfois question) qui sont généralement associés aux actionnaires de contrôle n’ont pas trait à l’« indépendance » et concernent plutôt les conflits d’intérêts et les opérations intéressées. De telles préoccupations au sein d’une société contrôlée devraient être réglées directement par l’entremise d’un mécanisme auquel seuls des administrateurs indépendants de l’actionnaire de contrôle et de la société contrôlée peuvent participer (p. ex., un comité d’administrateurs indépendants). Par conséquent, notre modèle de gouvernance prévoit un tel comité, c’est-à-dire le comité des opérations entre personnes reliées et de révision, présent tant au sein de Power qu’au sein de chacune de ses filiales cotées en bourse. Ce comité examine toute opération entre l’actionnaire de contrôle et l’entité contrôlée afin de s’assurer que cette opération est réalisée selon les conditions du marché.
Un tel mécanisme permet d’obtenir une réponse précise à une lacune de gouvernance éventuelle, et on peut s’attendre à ce qu’il soit plus efficace pour régler toute question relative aux conflits d’intérêts ou aux opérations intéressées que la définition trop large du terme « indépendance ».
Les intérêts des actionnaires minoritaires ne sont pas en péril du fait que les administrateurs ayant une relation avec un actionnaire de contrôle puissent être considérés comme des administrateurs indépendants de l’émetteur contrôlé (tant que ces administrateurs n’ont pas d’autre relation avec l’émetteur contrôlé que celle de siéger à son conseil d’administration). Cette opinion est conforme à l’approche adoptée dans d’autres territoires, qui sont indiqués dans le document de consultation des ACVM, et rien ne prouve que cette approche ait nui de quelque manière que ce soit aux marchés financiers dans ces territoires.
Approche recommandée
La définition du terme « indépendance » devrait être modifiée afin d’offrir plus de flexibilité sur le plan réglementaire, tout en protégeant adéquatement l’ensemble des parties prenantes concernées.
L’approche en matière de détermination de l’indépendance des administrateurs devrait être fondée sur les questions suivantes : (i) l’administrateur est-il indépendant ou non de la direction de l’émetteur et (ii) l’administrateur a-t-il avec l’émetteur une autre relation qui pourrait raisonnablement être perçue comme nuisant à l’indépendance de son jugement. L’indépendance est une question de fait qui devrait être établie par le conseil d’administration de l’émetteur, au cas par cas, sans égard à des présomptions telles que celles actuellement prévues dans le Règlement 52-110. Les administrateurs qui ont une relation avec un actionnaire de contrôle ne devraient pas, par définition, être considérés comme non indépendants.
En vertu de cette approche modifiée en matière d’indépendance, conformément au régime fondé sur le principe « se conformer ou expliquer » établi aux termes de l’Annexe 58-101A1 et aux indications contenues dans l’Instruction générale 58-201, un administrateur indépendant ayant une relation avec un actionnaire de contrôle pourrait siéger au comité des candidatures et au comité de la rémunération d’une société contrôlée et, en vertu du Règlement 52-110, il pourrait siéger au comité d’audit d’une société contrôlée.
Autre approche
Bon nombre d’investisseurs s’attendent à ce que les actionnaires de contrôle exercent une influence notable sur l’orientation stratégique de la société, l’élection d’administrateurs, la nomination de membres de la haute direction, les affaires financières de l’entreprise et la rémunération de la haute direction. Si les ACVM ne sont pas enclines à supprimer les relations avec un actionnaire de contrôle des dispositions contraignantes de la non-indépendance, le Règlement 52-110 devrait à tout le moins être mis à jour afin d’établir une distinction entre, d’une part, les administrateurs qui ont une relation avec la direction d’un émetteur et, d’autre part, les administrateurs qui ont une relation avec cet actionnaire de contrôle, mais qui sont indépendants de la direction de l’émetteur (c.-à-d. un « administrateur relié »). De plus, l’Annexe 58-101A1 et l’Instruction générale 58-201 relative à la gouvernance (l’« IG 58-201 ») devraient à tout le moins être mises à jour afin de tenir compte des autres formes de saines pratiques de gouvernance au sein des sociétés contrôlées.
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À l’heure actuelle, la rubrique 1 de l’Annexe 58-101A1 et l’article 3.1 de l’IG 58-201 prévoient que les conseils devraient être composés majoritairement d’administrateurs indépendants. À notre avis, le conseil d’une société contrôlée devrait être composé d’administrateurs indépendants et d’administrateurs reliés. La détermination du nombre adéquat d’administrateurs de chaque catégorie devrait être faite par le conseil d’administration de l’émetteur, en fonction de sa situation particulière.
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À l’heure actuelle, le paragraphe b) de la rubrique 6 de l’Annexe 58-101A1 et l’article 3.10 de l’IG 58-201 prévoient que le comité des candidatures devrait être composé uniquement d’administrateurs indépendants, tandis que le paragraphe b) de la rubrique 7 de l’Annexe 58-101A1 et l’article 3.15 de l’IG 58-201 prévoient actuellement que le comité de la rémunération devrait être composé uniquement d’administrateurs indépendants. À notre avis, il est normal et opportun pour une société ayant un actionnaire de contrôle d’avoir des administrateurs reliés qui siègent aux comités du conseil d’une filiale (afin de fournir de l’information et la perspective de l’actionnaire de contrôle en ce qui a trait à la rémunération de la haute direction, aux nominations et aux candidatures proposées au conseil), ainsi que des administrateurs indépendants. La détermination du nombre adéquat d’administrateurs de chaque catégorie au sein du comité des candidatures et du comité de la rémunération devrait être faite par le conseil d’administration de l’émetteur, en fonction de sa situation particulière.
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De plus, le paragraphe 3 de l’article 3.1 du Règlement 52-110 devrait être révisé afin d’autoriser des administrateurs reliés à siéger au comité d’audit d’un émetteur. Les administrateurs reliés peuvent apporter une perspective importante et précieuse à la filiale et à la société mère relativement aux questions financières. La détermination du nombre adéquat d’administrateurs de chaque catégorie au sein du comité d’audit devrait être faite par le conseil d’administration de l’émetteur, en fonction de sa situation particulière. Si les modifications susmentionnées n’étaient pas apportées, l’article 3.3 du Règlement 52-110 (qui autorise, dans une certaine limite, les dirigeants de la société mère à siéger au comité d’audit d’une filiale) devrait être modifié afin de supprimer la condition selon laquelle le membre du comité d’audit proposé ne doit pas être dirigeant d’un membre du même groupe que l’émetteur dont les titres sont négociés sur un marché. L’article 3.3 reconnaît déjà qu’il n’existe pas de modèle de comité d’audit unique et que d’autres formes de composition de ce comité peuvent convenir dans différents contextes. Toutefois, ce n’est pas clair pourquoi le fait que les titres d’un membre du même groupe qu’un émetteur soient négociés sur un marché diminue la légitimité reconnue de la participation, au comité d’audit de cet émetteur, d’un administrateur étant dirigeant du membre du même groupe en question.
Les différences susmentionnées sont déjà considérées comme d’autres formes de saines pratiques de gouvernance acceptables par de nombreux intervenants qui établissent une distinction entre, d’une part, les administrateurs qui ont une relation avec la direction d’un émetteur et, d’autre part, les administrateurs qui ont une relation avec l’actionnaire de contrôle, mais qui sont indépendants de la direction de l’émetteur. C’est notamment le cas de la Coalition canadienne pour une bonne gouvernance (la « CCGG »), dont la politique intitulée Différences de gouvernance des sociétés contrôlées prévoit également, « pour tenir compte des différences légitimes de gouvernance des sociétés contrôlées », une plus grande participation des administrateurs reliés au conseil11 et aux comités12 d’une société contrôlée. Par exemple, la CCGG est d’avis que, « étant donné leur association avec l’actionnaire contrôlant, les administrateurs reliés peuvent apporter une perspective importante au comité d’audit qui pourrait ajouter de la valeur à la société contrôlée ». Certains investisseurs institutionnels adoptent une approche similaire, notamment la Caisse de dépôt et placement du Québec13 et les agences de conseil en vote ISS14 et Glass Lewis15.
Dans le rapport de 1994 du comité de la Bourse de Toronto sur la gouvernance d’entreprise au Canada (le « rapport Dey »), on reconnaissait déjà que la gouvernance, en tant que [traduction] « concept dynamique », n’était pas un modèle universel et que, plus particulièrement, les administrateurs qui ont une relation avec l’actionnaire de contrôle d’une société pouvaient tout de même être indépendants de la société contrôlée, constituer une grande partie du conseil et siéger au comité des candidatures et au comité de la rémunération de la société contrôlée, aux côtés d’administrateurs qui sont indépendants de l’émetteur et de l’actionnaire de contrôle.
Conclusion
Nous appuyons entièrement la proposition de supprimer les critères précis en raison desquels les administrateurs qui ont une relation avec un actionnaire de contrôle sont automatiquement considérés comme non indépendants de la filiale. Le terme « indépendance » devrait désigner l’indépendance par rapport à l’émetteur et à sa direction, et les relations entre un actionnaire de contrôle, ou un actionnaire important, et l’émetteur peuvent et devraient être examinées efficacement au moyen de l’identification et de la supervision des conflits d’intérêts. Cette modification tient compte des réalités des marchés financiers canadiens et de la proportion importante de sociétés contrôlées sur ces marchés.
De façon alternative, le Règlement 52-110, l’Annexe 58-101A1 et l’IG 58-201 devraient être mis à jour afin d’établir une distinction entre, d’une part, les administrateurs qui ont une relation avec la direction d’un émetteur et, d’autre part, les administrateurs qui ont une relation avec l’actionnaire de contrôle, mais qui sont indépendants de la direction de l’émetteur, et ce, afin de reconnaître la valeur que ces administrateurs reliés peuvent apporter au conseil et aux comités d’un émetteur.
Au besoin, des représentants de Power se feront un plaisir de discuter de ce qui précède avec des représentants des ACVM.
Veuillez agréer mes salutations distinguées.
Stéphane Lemay
Vice-président, chef du contentieux et secrétaire
Power Corporation du Canada
[1] Power détient environ 65,5 % des droits de vote dans la Corporation Financière Power.
[2] La Corporation Financière Power et la Société financière IGM Inc. détiennent respectivement 67,7 % et 4,0 % des actions ordinaires de Great-West Lifeco Inc., ce qui représente au total environ 65 % des droits de vote rattachés à la totalité des actions avec droit de vote en circulation de Great-West Lifeco Inc.
[3] La Corporation Financière Power et La Great-West, compagnie d’assurance-vie, filiale de Great-West Lifeco Inc., détiennent respectivement 61,5 % et 3,8 % des actions ordinaires de la Société financière IGM Inc., ce qui représente au total environ 65,3 % des droits de vote dans la Société financière IGM Inc.
[4] « The Impact of Family Control on the Share Price Performance of Large Canadian Publicly-Listed Firms (1998-2012) », Clarkson Centre for Board Effectiveness de la Rotman School of Management, University of Toronto, juin 2013.
[5] « Family business in North America: Facts and figures », EY Family Business Yearbook, 2014.
[6] « Business Families: building a brighter future », Creaghan McConnell Group, 2014.
[7] Listed (David W. Anderson), été 2013, pages 33-37.
[8] « L’avantage familial – Les sociétés publiques canadiennes sous contrôle familial : pourquoi ont-elles des rendements supérieurs? », Banque Nationale du Canada, octobre 2015.
[9] « Fine-tuning family businesses for a new era », McKinsey & Company (Åsa Björnberg, Ana Karina Dias et Heinz-Peter Elstrodt), octobre 2016.
[10] The Economist, Business in the Blood – Family Firms, 1er novembre 2014, accessible au https://www.economist.com/news/business/21629385-companies-controlled-founding-families-remain-surprisingly-important-and-look-set-stay
[11] « Le nombre d’administrateurs reliés d’une société contrôlée ne doit pas dépasser la proportion des actions ordinaires contrôlées par l’actionnaire contrôlant, jusqu’à concurrence de deux tiers. Cependant, si le chef de la direction est relié à l’actionnaire contrôlant, au moins les deux tiers des administrateurs de la société contrôlée devraient être des administrateurs indépendants. »
[12] « Au moins un membre de chaque comité du conseil d’une société contrôlée devrait être un administrateur indépendant. De plus, la majorité des membres de tous les comités du conseil (à l’exception du comité de la rémunération) devrait être composée d’administrateurs indépendants ou d’administrateurs reliés qui sont indépendants de la direction de la société contrôlée. Tous les membres du comité de la rémunération devraient être indépendants de la direction de la société contrôlée. De plus, si le chef de la direction est relié à l’actionnaire contrôlant, au plus un seul membre du comité de la rémunération devrait être un administrateur relié. »
[13] La Politique – Principes régissant l’exercice du droit de vote dans les sociétés cotées en bourse de la Caisse de dépôt et placement du Québec prévoit que « […] dans les cas où il y a un actionnaire détenant un bloc d’actions important, les comités de candidatures (ou gouvernance) et de rémunération (ou ressources humaines) doivent être composés exclusivement de membres indépendants de l’entreprise et majoritairement de membres indépendants de l’actionnaire détenant un bloc d’actions important ».
[14] Les plus récentes lignes directrices intitulées Proxy Voting Guidelines for TSX-Listed Companies d’ISS (à la rubrique intitulée « Policy Considerations for Majority Owned Companies ») prévoient que, pour les sociétés contrôlées admissibles, [traduction] « le nombre d’administrateurs qui ont un lien avec l’actionnaire de contrôle ne doit pas dépasser la proportion des actions ordinaires contrôlées par l’actionnaire de contrôle. […] Le comité d’audit et le comité des candidatures doivent être composés majoritairement d’administrateurs indépendants ou d’administrateurs reliés qui sont indépendants de la direction. Tous les membres du comité de la rémunération doivent être indépendants de la direction. »
[15] Dans ses plus récentes lignes directrices intitulées An Overview of the Glass Lewis Approach to Proxy Advice – Canada (à la rubrique intitulée « Controlled Companies »), Glass Lewis indique que [traduction] « Le conseil d’administration a pour fonction de protéger les intérêts des actionnaires. Toutefois, dans les cas où une personne physique ou une entité est propriétaire de plus de 50 % des actions comportant droit de vote, les intérêts de la majorité des actionnaires sont les intérêts de cette personne physique ou entité. Par conséquent, Glass Lewis ne recommande pas une abstention de vote pour ce qui est des conseils dont la composition reflète la composition de l’actionnariat. En d’autres termes, les administrateurs et les initiés associés à l’entité contrôlante ne sont pas visés par nos critères d’indépendance habituels. […] Le comité de la rémunération, le comité des candidatures et le comité de gouvernance ne doivent pas être composés exclusivement d’administrateurs indépendants. »